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Plasticienne. Créatrice de la Grande Lessive (site http://www.lagrandelessive.net, blog http://www.lagrandelessive.com) Performeuse : conférences-performances publiques et interactives sur l'art et sa définition. http://www.culturecommunication.gouv.fr/index.php/Politiques-ministerielles/Education-artistique-et-culturelle/Actualites/Conference-Performance-Un-conte-pedagogique-de-Joelle-Gonthier Conceptrice de dispositifs. Entre autres : http://classes.bnf.fr/clics/accueil/presentation.htm, http://expositions.bnf.fr/portraits/pedago/cent/index.htm,http://expositions.bnf.fr/objets/pedago/00.htm,http://expositions.bnf.fr/lamer/parcours/index.htm

L'art au quotidien est écriture de l'art en train de se faire, ici et maintenant, dans mon atelier ou dans mon jardin, en ville ou sur d'autres territoires. Support destiné à une lecture publique, il retient une écume qui dira ce qu'elle est plus tard. (Tous droits réservés pour les textes et les images).

mardi 27 mai 2008

Ceci est une pomme/pruneau

Comment l’art vient aux enfants ?

La forme de la conférence dépend du contenu, de l’auditoire et du lieu. Toujours très visuel et interactif son déroulement est improvisé à partir d’une étude associant différentes modalités : travail de terrain, enquête, lecture, collecte d’objets, écriture... De nombreux accessoires et un agencement d’images contribuent à l’élaboration du propos au point de transformer la conférence en performance artistique. La réalisation d’un compte-rendu demande de convertir cette matière. Elle adopte ainsi une forme nouvelle grâce à un travail plastique dont l’écriture devient le vecteur.
Le sensible et le visuel excèdent certains supports : le papier et les mots ne parviennent pas à restituer l’intégralité et la complexité des relations que nous entretenons à l’art. Ils ne parviennent pas non plus à rendre compte de l’incidence décisive du silence, de l’espace et du vide… Cette relation particulière au langage se retrouve d’autre manière dans l’univers des tout petits où les mots apparaissent peu à peu. Il faut ainsi attendre pour qu’il y ait correspondance parfaite entre un mot et une chose, encore plus entre un mot et une émotion ou une notion abstraite. Ce texte ne pourra restituer ces dimensions pourtant si précieuses.

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Entreprendre une excursion


Avoir été enfant ne donne aucun privilège, pas même celui de savoir comment les apprentissages s’élaborent ou se délitent. Interroger les relations que les enfants entretiennent à l’art offre cependant l’opportunité de céder à la tentation de rechercher une île perdue ou celle de tenter de remonter à une source. L’adulte observe ainsi les enfants s’aventurer en direction de l’art avec le secret espoir de renouer avec une part de lui-même. Pourtant, parvenir au commencement de l’art en général, comme à son enracinement en nous, représente une vaine entreprise.
Ce n’est pas seulement pour les tout-petits que l’adulte essaye de placer l’art à portée de mains, selon des intensités et des régimes divers plus ou moins maîtrisés, c’est également pour lui. Les dispositifs inventés oscillent entre le désir de faire accéder à un domaine, à des valeurs et à des pratiques estimées importantes pour la construction de la personne comme pour la vie en société et celui de réparer l’absence de contact avec l’art, d’amoindrir les séquelles d’un rendez-vous manqué ou, au contraire, de faire partager le plaisir qu’il nous procure encore. Ainsi notre propre relation à l’art influe sur le cheminement conçu pour l’enfant. La peur d’un échec ou pire, la conviction que la pratique de l’art est un privilège dont la plupart d’entre nous demeurent privés imprègne toute démarche au point d’accréditer la notion d’« «éveil » (qui sous-entend souvent une sensibilisation sans lendemain) au détriment de celle d’« enseignement » (qui identifie des contenus, objectifs et méthodes). Si la famille n’intègre pas des exigences qu’il est possible d’ignorer, de différer ou de déléguer en regard de certaines priorités vitales ou jugées telles, la crèche et l’école, la médiathèque ou bien le centre de loisirs endosseront cette responsabilité en ajustant leurs visées respectives aux moyens dont ils disposent. Toutefois est-ce suffisant pour aborder l’art qui occupe un territoire aux frontières infiniment complexes et qui intègre parfois notre propre personne, le politique, l’éphémère, le presque rien ou encore le monumental ?

Supposer que l’art soit toujours ailleurs que là où nous nous situons, l’imaginer issu d’un être étranger à ce que nous sommes et en conclure qu’il est ne nous est pas destiné est fréquent. Il s’agit même d’une forme d’exclusion très répandue qui prétend tirer sa légitimité de la résignation de chacun et du peu de bruit qui en résulte. Le terme « auto exclusion » alors employé néglige, entre autres, l’impact de l’idéologie, celui de la hiérarchie établie de longue date entre les enseignements par un système scolaire qui autorise de fait à se détourner de telles pratiques, ainsi que l’incidence de la modicité des budgets publics accordés à l’art dans notre société. Dans ce contexte où l’identification de causes devient peu à peu impossible en raison de leur diversité et de leur intrication, l’effet sur l’individu semble reposer sur son histoire personnelle et les apprentissages nécessaires à la pratique artistique paraissent ne pas pouvoir concerner l’intégralité de la population.

Loin de l’art touchant certains enfants tel un don du ciel dispensé de façon discrétionnaire ou par l’effet d’un enchantement mieux partagé lié à leur innocence supposée, je vous invite à une excursion sur le territoire de l’art. Ce cheminement ne va pas du plus « simple » conçu pour le nourrisson au plus « complexe » enfin abordé en grande section. Ce n’est pas une progression jalonnée de stades et à l’affût de retards ou de précocité. Il s’agit d’interroger quelques éléments propices à une réflexion sur ce qui permet à l’art d’advenir et ainsi d’offrir quelques prises sur lui dans un contexte de découvertes généralisées. Quelques objets issus du quotidien aideront à comprendre comment –parfois sans nous en apercevoir- nous préparons les enfants à affronter l’événement qu’est l’œuvre. Ce parcours s’apparente à une danse car le mouvement par lequel se présente le sensible est toujours une gesticulation.