Qui ?

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Plasticienne. Créatrice de la Grande Lessive (site http://www.lagrandelessive.net, blog http://www.lagrandelessive.com) Performeuse : conférences-performances publiques et interactives sur l'art et sa définition. http://www.culturecommunication.gouv.fr/index.php/Politiques-ministerielles/Education-artistique-et-culturelle/Actualites/Conference-Performance-Un-conte-pedagogique-de-Joelle-Gonthier Conceptrice de dispositifs. Entre autres : http://classes.bnf.fr/clics/accueil/presentation.htm, http://expositions.bnf.fr/portraits/pedago/cent/index.htm,http://expositions.bnf.fr/objets/pedago/00.htm,http://expositions.bnf.fr/lamer/parcours/index.htm

L'art au quotidien est écriture de l'art en train de se faire, ici et maintenant, dans mon atelier ou dans mon jardin, en ville ou sur d'autres territoires. Support destiné à une lecture publique, il retient une écume qui dira ce qu'elle est plus tard. (Tous droits réservés pour les textes et les images).

vendredi 30 mai 2008

Tranche

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Comment passer de la vie à l’art ?

La question « comment l’art vient aux enfants » pourrait être remplacée par « comment passer de la vie à l’art ? » à supposer que les frontières entre l’une et l’autre ne soient pas devenues très poreuses. Toutefois comment identifier l’art ? Autrefois la panoplie d’artiste (palette, pinceau, tableau…), les critères de ressemblance et de beauté, la maîtrise technique et quelques autres indicateurs contribuaient à identifier l’art. Aujourd’hui les frontières de l’art sont infiniment complexes et les pratiques les plus diverses coexistent, tandis que les critères de jugement esthétique paraissent défaillants. Comment reconnaître l’art, surtout dès l’enfance, c’est-à-dire quand il est supposé se limiter à des prémisses et, de ce fait, ne pas disposer de sa forme complète ? Comment admettre que c’est de l’art quand celui qui est censé le porter n’a pas encore la prétention d’être artiste et ignore son existence même ?

Pour localiser l’art, il faut peut-être rechercher la jonction de deux mouvements : l’un impulsé par l’adulte qui cherche à établir des relations entre l’art déjà existant et l’enfant, et un autre, initié par l’enfant lui-même. Au fil des découvertes et des apprentissages, l’enfant élabore ainsi sa conception de l’art. Au gré de ses rencontres avec les œuvres, les démarches artistiques, les références qui ont trait à son domaine ou encore les occurrences diverses (de mots, de formes, de situations…) qui invitent à penser ce que c’est, l’enfant va élaborer une collection mentale qui correspondra à ce qu’il entend par le mot « art ». Ce travail ne cessera pas. Devenu adulte, la naissance de son propre enfant, par exemple, et la médiation qu’il cherchera alors à réaliser en vue de son éducation l’inciteront de nouveau à repenser ses rapports à l’art et peut-être à en formuler une définition. En effet, si l’enfant demande « qu’est-ce que c’est l’art ? », il faudra trouver une réponse, quitte à dire aussi sa difficulté à y parvenir.
Toutefois, à ces deux mouvements s’en ajoute un autre : celui de l’art lui-même. En effet, l’œuvre s’apparente à un événement qui advient sans prévenir, avec des intensités variables et parfois des fulgurances. En conséquence, l’art apparaît souvent, au regard de l’adulte et de l’enfant, à la manière d’un obstacle dans la mesure où les œuvres n’entrent pas dans des catégories prédéterminées. La fameuse question « qu’est-ce que c’est ? » se pose alors pour l’œuvre, comme pour tout ce qui est l’objet d’une découverte. Pour l’art cependant cette interrogation associe souvent curiosité, doute et attente de preuves car de la réponse dépend l’intégration éventuelle à l’image que nous formons de l’art, mais aussi à celle qui nous composons du monde. Le « déjà-vu », c’est-à-dire le fonds que nous avons élaboré le plus souvent sans en avoir conscience va orienter notre décision. L’interrogation de notre « collection privée » conservée en mémoire facilitera alors une telle intégration ou incitera au rejet. C’est dire si le comportement de l’adulte face à la nouveauté en général et face à l’inconnu importe dans le domaine de l’art puisque l’œuvre se présente presque par principe, à notre époque, sous des formes inédites et de ce fait singulières. Initier à l’art revient ainsi, en premier lieu, à préparer à accueillir ce qui arrive et ce que l’on ne connaît pas avec bienveillance. L’enjeu déborde le champ de l’art. Peu à peu, l’acquisition d’outils d’analyse et de connaissances agissant telles des références et des clés de lecture permettront de situer et de comprendre afin de s’engager soi-même sur le territoire de l’art si le désir de la faire nous gagne.